Gamelan et création
J'ai eu le plaisir d'être investi au nom de La TRUC, par La Cité de la Musique, d'une mission de recherche sur les répertoires et pratiques de création liées au gamelan.
Cette recherche s'est terminé en novembre 2006. Elle m'a permis de redécouvrir la richesse de cette instrument et d'imaginer de grands potentiels de jeux et de compositions.
Nous préparons une suite à cette première étape.
Je mets à disposition quelques extraits de cette recherche, pour plus d'information, contactez nous:
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Ma rencontre avec Supanggah fut déterminante pour orienter mes recherches et mes réflexions.
A Paris au cours du mois de janvier j’ai eu le plaisir de rencontrer ce maître de la musique Indonésienne, j’ai pu lui poser quelques questions telles que :
Comment concevez-vous la musique pour gamelan, aujourd’hui ?
Comment et avec quelles méthodes composez-vous ?
Quels rapports existent-ils entre création et répertoires ?
Comment travaille un musicien, un compositeur ?
Quels sont les travaux marquant pour vous ?
Etc…
Il a répondu avec bienveillance et amusement à ces questions.
La création et l’interprétation du répertoire seraient à Java et en Indonésie une seule et même pratique musicale. Il n’y aurait pas selon Supanggah de pratique fermée sur l’une ou l’autre de ces notions. Supanggah parle d’un désir d’innovation et d’invention très répandu à Java et en Indonésie, les frottements et les rejets des plus vieux face aux innovations des plus jeunes sont très vite effacés, les anciens accueillant avec bienveillance les expériences les plus aventureuses. Le gamelan,la musique indonésienne et les Indonésien font « feu de tout bois ».
A mes questions sur les méthodes employées pour composer et créer sur le gamelan, Supanggah m’a fait part de son immense expérience, ainsi que des pratiques de ses amis musiciens Indonésiens.
Il aime concevoir de nouvelles rencontres et de nouvelles fusions. Sa connaissance des musiques et des musiciens Indonésiens l’ont amené à convier à de nombreuses reprises des instruments et des musiciens aux pratiques musicales différentes. Musicien javanais, sundanais, balinais etc…
Son expérience avec le metteur en scène Bob Wilson est emblématique de cette démarche. Travaillant sur une thématique ancestrale, Su panggah a tenté de concevoir une musique « d’avant », simplifiant les sonorités, l’harmonie. Il a fait concevoir des instruments répondant à cette pensée et il a convié des musiciens de l’ensemble de l’Indonésie pour travailler sur un minimalisme musical résonnant avec celui du metteur en scène.
Il est amené à jouer avec des ensembles à géométrie variable, sa musique s’adaptant à chaque ensemble. Il prépare une rencontre avec un chorégraphe Hollandais, prépare une tournée en Italie pour une ensemble jouant un répertoire traditionnel…
Il a insisté sur le caractère collectif des recherches musicales effectuées avec le Gamelan. La notion de compositeur isolé est alors remplacée par celle de groupe mu par un désir commun. Il a évoqué avec moi le rapprochement de cette pratique avec celle des musiciens traditionnels en général et des musiciens de jazz en particulier.
Voici une citation recueillie sur le site culturebase.net:
Perhaps ‘composer’ means something different in the West and in Java. Perhaps ‘composer’ isn’t the correct term for me. Because when I compose, I just give the musicians a stimulus. I don’t decide everything. The work I have done is the collaboration between me and my musicians (Rahayu Supanggah in: Marc Perlman 1994: 34)
L’écriture ne semble pas souvent utilisé par Supanggah, il lui préfère l’oralité, et l’adaptation aux différents contextes.
De notre échange, je retiens la grande tolérance de ce musicien face aux possibles qu’offre le gamelan. Une seule chose semble nécessaire, le désir.
Essentially, art no longer belongs to a particular ethnic group or region, despite being born and raised by that group and in that region. The Mahabhharata, which originates from India, now belongs to Indonesia. The Pandji legend from Kediri now belongs to the nations of Southeast Asia. The jazz music of New Orleans now belongs to the world, as does Shakespeare’s Hamlet. It is becoming increasingly possible for the art of a particular region to be watched by people from other cultural areas, even more so with the existence of the recording or broadcasting media. In fact it is more common today for art to come to the consumer than for the consumer to go to a performance venue. That means that it is easy for the music of Africa to be heard by people from Europe or even Indonesia. Balinese dance is easily seen by Americans or Japanese. That is not all. It is quite common today for Javanese gamelan to be played by people in Finland, Egypt, or Israel. Western music is no longer the monopoly it was (...). Art can, and should; always have the ability to cross the ethnic and cultural boundaries of its own region.
Supanggah
Pour confirmer la vision du maître Supanggah, les bases de données disponibles sur la toile permettent de voir à quel point la pratique le gamelan est mondiale.
La création apparaît comme une des pratiques du gamelan.
Le désir de créer une nouvelle musique pour gamelan n’est pas neuf, des groupes forts de plusieurs décennies d’existence nous offrent leurs expériences.
En Amérique du Nord, j’ai pu noter deux ensemble Canadiens qui développent de manière fort intéressante cet aspect de création,
1° le célèbre groupe de Toronto, Evergreen Club Contemporary Gamelan
Voici leur bio et leur contact :
Fondé en 1983 à Toronto, le Evergreen Club Contemporary Gamelan est un ensemble unique qui, tout en interprétant des pièces traditionnelles pour gamelan, a pour mission d’élargir le répertoire grâce aux commandes de nouvelles œuvres qu’il passe à des compositeurs canadiens et du monde entier.
Ce groupe de huit musiciens professionnels possède une formation en musique occidentale classique et une vaste expérience de la scène. Le gamelan est un orchestre composé en majorité d’instruments de percussion, incluant des gongs de bronze, des carillons de gongs, des métallophones, des xylophones et des tambours de bois en forme de baril auxquels se joignent fréquemment une flûte de bambou, des cordes et des voix. Ce type d’ensemble est connu sous le nom de gamelan, bien qu’il y en existe plusieurs variantes régionales en Indonésie. Un de ces types de gamelan indigène est appelé Degung, venant de la région ouest de Java, en Indonésie. Il possède une instrumentation et un répertoire particulier, de même qu’un accord à cinq tons: la si-sol-mi si-ré si-do.
Les instruments de bronze du Evergreen Club’s gamelan Degung sont fabriqués à Java par Pa Tentrem, le célèbre fabricant de gongs de Surakarta. Leurs supports, conçus et construits par des membres du Evergreen Club, sont faits d’érable dur du Canada.
Le répertoire, contenant plus de 200 œuvres écrites pour le groupe, reflète un mélange caractéristique de sensibilité canadienne et d’inspiration musicale sundanaise (Java occidental), européenne et américaine. Evergreen Club a ravi les publics canadiens, américains, européens, japonais et indonésiens. En spectacle et sur enregistrement, le Evergreen Club a présenté plusieurs créations, écrites par des compositeurs de premier plan comme John Cage, James Tenney, Gilles Tremblay, Walter Boudreau, Lou Harrison, Burhan Sukarma, Jon Siddall et John Wyre, entre autres.
http://www.evergreenclubgamelan.ca/
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J’ai pris contact avec eux afin de solliciter leur expérience, voici la réponse de Mark Duggan
We approach gamelan from many different angles having a variety of styles and esthetics. Many of them are detailed below in response to your other questions. Some of our music is quite academic and other times it is more groove based or electronic. We don't put limits on ourselves in this way.
> Are you a group who compose together?
We do not compose collectively although we have arranged some traditional pieces as a group. More often, we work with one single composer or arranger.
> Is there some composer in the group?
Yes, there are several composers in the group including myself.
> You commissionned new music, is-it possible to listen or read those music?
Evergreen Club Contemporary Gamelan Ensemble has recorded seven CDs of which five are contemporary music written for us, and the other two are primarily new arrangements of traditional Indonesian pieces. Most of them are available through the Canadian Music Centre at
http://www.musiccentre.ca
Click on "Buy a recording" and then "Ensembles" to find our listing.
> What pieces are, for you, important in contemporary gamelan music?
This is a difficult question to answer as there are many new and still emerging pieces in this category. Of the hundreds of works performed by Evergreen in our 23 year existence, "L'arbre du Borobudur" by Gilles Trembley stands out, as well as "Crosscurrents" by german composer Dieter Mack.
> Are you playing with other instruments with dance with theater?
Yes, we have commissioned many works for our gamelan and other instruments including violin, viola, saxophone, prepared piano, steel pan, bass clarinet, cello, harp, electric guitar, classical guitar, ondes martenot, kora and organ. Once, we did a piece with gamelan and scottish bagpipes! We also have a few works for gamelan and orchestra and are currently working on a project of gamelan and string quartet.
We have done quite a few performances with dance including our most recent tour of Indonesia in 2003, and we will be presenting another contemporary dance/gamelan show in the fall of '06.
We have also done several workshop performances of a small opera by Canadian composer Allen Cole which we plan to produce in the future.
As well, we have done several performances playing live to a film presentation.
> Do you make improvisation?
> John Cage and minimalism seems to bee a great influence in your group??
We do improvise often within a formal structure (rather than completely free). I would not say that minimalism has been a large influence in our repertoire. We have recorded Cage's "Haikai" which was written especially for us, and we have two pieces by James Tenny as well. Other than that, we have done a handful of minimalist-type pieces by some other lesser known composers.
> Do you work with electroacoustic music?
Yes, although we've recorded very little in this genre. There are (old) examples on the CD "North of Java" in the tracks "Three Bagatelles" and "Two Paths".
Hope this is helpful. I would be interested to know more about your project as it progresses. Let me know if you need more information.
2° le Gamelan Madu Sari :
A Vancouver, le Gamelan Madu Sari, développe semble t-il une approche similaire bien qu’il garde un ancrage plus important dans la tradition.
Je vous recommande leur disque New nectar, new music for javanese Gamelan.
Voici les contacts des membres de cet ensemble :
Kenneth Newby : www.sfu.ca/~knewby
Michael O’Neil :
Mark Parlette
Paul Plimley : www.paulplimley.com
Malheureusement le site du goupe ne fonctionne pas : www.vancouvergamelan.org
A écouter la pièce de Chris Miller : Thinly, roundly.
http://cjmiller.web.wesleyan.edu/creative.html
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phone: + 1 (860) 685 6701
J’ai pris contact avec lui.
En effet son expérience de compositeur et d’improvisateur peux être enrichissante.Il pratique l’improvisation avec le groupe Sekar Anu.
Ensemble of eight composer/performers, four from Indonesia (I Nyoman Dewa Supenida, Ida Bagus Widnyana, A.L. Suwardi, Pande Made Sukerta) and four from North America (Nicholas Brooke, Andrew McGraw, Andrew Raffo Dewar, myself). We presented a collaborative work, Maya, at the 2004 Yogyakarta International Gamelan Festival, and two programs of individual works in joint performances with I Made Subandi at the Umbul-Umbul Festival in Denpasar and in Peliatan, Bali.
Voilà la réponse à mon mail :
> Hi Cyril,
>
> Thanks very much for your interest. I've written a little bit about my composing for gamelan, that might be the best place to start. The last chapter of my masters thesis describes my thesis composition project. My thesis is available via my website, http://cjmiller.web.wesleyan.edu/scholarship.html. I also have an article forthcoming in The World of Music, a journal out of Otto-Friedrich-Universität Bamberg, which is a reflection on composing for gamelan in North America. I've attached a pdf of the proofed copy.
>
> As far as Sekar Anu, there was an idea that that it might become an ongoing project, but so far it has not continued past the work we did in July and August of 2004. The project involved 8 composer/performers, 4 from Indonesia and 4 from North America. In the second phase of the project we developed, rehearsed and performed eight pieces conceived mostly individually (far too much to try and do in the five weeks we had). The first phase of the project was much more interesting to me personally, more what I had in mind for the project. In five days we put together a collaborative piece of around 20-30 minutes for the Yogyakarta Gamelan Festival (run by Sapto Raharjo, who you might have heard of--he has collaborated with Alex Grillo and another French musician whose name I forget at the moment). The piece certainly involved a good deal of improvisation, but it wasn't free improvisation. As you probably know, traditional gamelan performance (in Java, anyway) involves a certain amount of improvisation within fairly narrow limits--perhaps the closest Western equivalent is basso continuo, more than jazz, as far as the scope of leeway in realizing a part. Javanese gamelan musicians very much value this room for individual expression, but they have not generally embraced improvisation itself as a total basis for a new performance practice.
> What some of the Indonesian musicians in Sekar Anu have done, however, is adopted sound exploration as a basis for the creation of new music. This direction was pioneered around 1979. One of the first pieces of this sort was in fact by Pande Made Sukerta, one of the participants in Sekar Anu. The typical method of producing a new piece (and more or less the one we followed) involves first exploring sounds with a group of players--sometimes with the composer having general notions of a theme for the piece and/or particular ideas of techniques and instrumentation. A bunch of material is generated through what you and I would probably recognize as more or less free improvisation--and significantly, improvisation that emphasizes exploration of sonic possibilities of instruments more than melodic or rhythmic patterns. Then the composer decides which elements should go together, producing a number of sections, and then experiments with different possibilities of the order in which these sections should appear. The piece now in a fairly set form is then rehearsed and refined. In this process, notation is used rather infrequently in learning more conventionally musical material, but is almost never used in performance.
> Another one of the participants, A.L. Suwardi (who I believe was recently in Paris) did present a piece at a composer's festival in Jakarta in the mid 1980s which took the idea of sound exploration and elevated to the level of performance. His idea was that there were many things that one met in the process of developing material for a piece that never ended up in the finished piece, so why not present the exploration process itself? I've heard a recording of the piece--by coincidence I was listening to it again earlier today--and it sounds very much along the lines of something AMM or another European improvising group might do. But the performance of free improvisation hasn't really caught on--the prevailing attitude is that ideas need to be shaped into a set form before being presented publicly.
>
> Actually, there was disagreement in the group about the value of the approach taken in this first piece. It is not so typical of Balinese composition, which tends to build on traditional idioms rather than sound exploration, and two of the members (one Balinese and one American) were more involved with this stream of contemporary Indonesian music. Between that and the desire of a number of members to do a composition of their own, the second phase of the project took the direction it did. None of us were completely satisfied with the results, in part because of aesthetic differences (including but not limited to the different attitude toward compositional process), and more simply because we tried to do too much. So there hasn't been an effort to continue the project. But I think most of us found the experience valuable.
>
> Well, that gives you some idea, I hope.
>
> All the best,
> Chris
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> Chris Miller
> PhD Candidate in Ethnomusicology, Wesleyan University
Sa thèse est disponible sur ce site :
http://cjmiller.web.wesleyan.edu/scholarship.html.
Sa musique oscille entre un minimalisme proche de Steve Reich et de Philipp Glass et les formes traditionnelles. Il semble jouer avec differents étirements du temps musical.
Il est à noter l’importante documentation mise en place grâce au site américain :
www.gamelan.org
Il donne accés à une somme considérable sur les pratiques de gamelan en Amerique du Nord.
Sur
http://www.gamelan.org/AGI/scores.html
On a accés à une grande quantité de partitions pour Gamelan, commandable par email pour un prix modique.
En Europe
Les liens entretenus avec l’Angleterre, nous permettent de bénéficier de l’expérience du South Bank de Londres.
A noter en plus du travail remarquable du South Bank celui du groupe Alpha Beta Gamelan, et le travail de Symon Clarke.
J’ai pu lire quelques unes de ces pièces associant souvent d’autres instruments au gamelan. L’écriture de Symon Clarke est très délicate, précis, souvent complexe. Il emprunte au contre point Javanais la délicatesse des entrelacements et conçoit de nouveaux équilibres rythmiques et contrapuntiques.
Ces pièces me semble pouvoir être jouer par un ensemble de musiciens confirmés.
Dans la plus pars des pays européens, on trouve une pratique de Gamelan ; je n’ai pas eu le temps de lier des contacts avec ces groupes, préférant appeler ceux qui m’apparaissaient comme plus expérimentés.
Il me semble qu’un envoie d’information et un appel à témoignage pourrait permettre une circulation d’information. Pourquoi ne pas lancer sur le site remarquable de
http://gamelan.free.fr/
un forum appelant à ce croisement d’informations ?
Un discours fort éclairant de Jean-Pierre Goudard donne une bonne base de travail pour les pratiques innovantes. En S’appuyant sur le collectif, on rejoindrait les pratiques des musiciens Javanais.
Quelle est la part d’inspiration traditionnelle dans vos travaux de création ?
J’utilise des principes d’orchestration balinais que j’applique à mon propre univers. Je me suis aperçu que cette façon de faire me permettait de ne pas copier la musique traditionnelle et de ne pas m’inscrire dans un rapport au monde qui n’était pas le mien. Mais en même temps, je conserve l’essentiel, selon moi, qui est le rapport entre l’individuel et le collectif et une certaine organisation spatiale des choses. La grosse différence entre mes compositions et la musique traditionnelle indonésienne, c’est l’utilisation du silence. À Bali, le silence n’existe pas dans la musique : il faut remplir le temps, comme pour le fixer. Pour moi, c’est un espace musical intéressant.
Est-ce une nécessité pour vous de sortir l’instrument de son contexte cultuel pour pouvoir l’enseigner ?
C’est une évidence. Nous ne sommes pas à Bali et mon respect de cette culture n’implique pas un prosélytisme des cultes balinais. Cependant, il y a une sorte de magie poétique qui se dégage du gamelan. C’est un instrument très beau : les gamins sont toujours étonnés et attirés par lui. J’essaie de garder autour de son utilisation un certain cérémonial : un travail sur la lumière dans les salles de spectacle, de l’encens, des offrandes pour célébrer le partage de la rencontre et du travail effectué ensemble. Je tiens au rituel et je ne souhaite pas banaliser cette pratique. Le respect de l’instrument induit et nourrit le respect de tous et de chacun.
Association KOTEKAN – Jean-Pierre GOUDARD
Île Cordon La Pierre
01300 BRÉGNIER-CORDON
04 79 87 25 64 ou 06 84 05 66 08
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www.kotekan.fr.st